Depuis quelques jours, la vie a quelque peu changé. L'obligation de travail a disparu. C'est le temps de la liberté. Le temps de se donner du temps. De ralentir. De se perdre aussi parfois, dans tout ce temps. Quel espace ! Finalement les physiciens ont raison. Il y a bien une relation forte entre espace et temps.
C'est certainement l'occasion de revenir à l'essentiel, dont nous parlons si aisément lors de nos cours. Pas si facile finalement, lorsque le tourbillon de la vie a pris le dessus, nous laissant peu maître de nous-même.
En ce qui me concerne, j'ai (re)-commençé à écrire sur ce blog, mais surtout, j'ai repris le chemin d'apprentissage de la boulangerie. Faire naître son levain, le nourrir, fabriquer le pain...Le partager.
C'est au contact de cette matière vivante que m'est venue cette métaphore que je partage avec vous aujourd'hui.
Le levain, un procédé de sélection
Le levain nait de l’harmonieux mélange de la farine et de l’eau. Placé à bonne température, il se révèlera au bout de quelques heures pour obtenir ce que l’on appelle le levain chef, résultat d’une sélection naturelle qui va s’opérer pour ne conserver que les micro-organismes les plus adaptés, pour se développer, se renforcer, se multiplier.
D’un ensemble complet et commun à toutes les farines, à chaque nourrissage d’eau et de farine, justement mélangées, il va se concentrer, s’affirmer, se renforcer. Son caractère va se dévoiler, sa parure va se colorer, ses odeurs vont s’affiner, jusqu’à devenir en quelques jours un levain prêt à l’emploi (Le levain tout point).
Il peut alors être utilisé pour produire toutes sortes d’aliments qui seront teintés des qualités qu’il leurs transmettra. Son goût plutôt lactique ou plutôt acétique, sa force plus ou moins puissante, ou son élasticité plus ou moins souple. Il pourra alors être conservé, au frais, plusieurs jours puis être réactivé par un nouveau nourrissage.
A chaque rafraichi, il grandira, à chaque rafraichi, il s’affinera. Nourri inlassablement dans un environnement favorablement choisi, il atteindra une certaine stabilité et pourra se renouveler inlassablement. Des dizaines d’années pour certains levains qui se transmettent de génération en génération.
Le yoga, comme un procédé de rafraichi de la conscience
La "conscience" est un peu comme le levain. Tout est là… tout existe, issu de l’eau, de la terre, de l’air, du feu et l’espace. Il suffit de la révéler par une harmonieuse synergie d’actions réalisées dans un environnement favorable…
C’est généralement à l’occasion d’un évènement de vie, une rencontre, une douleur, un doute, que se produira la rencontre avec le yoga qui apparaitra d’abord comme une recette, puis comme un état. Un processus de transformation commencera, probablement d’abord par le corps.
Mais c’est bien par la méditation que s’engera le processus d’élimination des impuretés, de l’inutile, qui obstruent la clarté du mental, qui obstruent celui qui perçoit.
Comme l’explique le yoga sūtra de Patañjali 3.9 : « la transformation (pariṇāma) se produira par la suppression (nirodha) des dispersions (vyutthāna), des conditionnements (saṃskāra) puissants, manifestations du cercle des causes et des effets (anvaya).». Tout comme le levain, le YS 3.10 nous dit que « de cela, s’installera un nouveau conditionnement (saṃskāra), apaisé (praśānta). » (Un peu comme une conscience cheffe !) qu’il nous suffira de rafraichir régulièrement, par une « pratique fermement maintenue dans la durée (dīrghakāla), sans interruption (nairantarya), respectueuse (satkāra) et soignée (ādara). » comme le préconise le YS 1.14, « pour laisser apparaître (telle une souche le levain tout point) la clarté (samādhi) du mental (citta). » (YS 3.11).
Toutes nos actions seront alors teintées de ce nouveau conditionnement, éclairées par une conscience révélée. Les colères s'atténueront. Les frustrations se dissiperont pour laisser place à la satisfaction du moment présent. L'anxiété sera relativisée par un regard plus juste. Nos désirs se révèleront souvent comme secondaires. La haine disparaitra, pourquoi pas supplantée par l'amour.
Puis le quotidien reprendra ses droits. Vous serez à nouveau pris dans le tourbillon de la vie. Il vous semblera que la métamorphose que vous aviez engagée a disparu. Pas d'inquiétude. Tout comme le levain, cet état de conscience pourra être conservé, endormi, posé, puis réactivé par toute partique méditative ...
Inlassablement, il pourra être rafraichi, moyennant quelques conditions qu'il vous faudra respecter bien entendu. En pratiquant bien sûr, comme nous l'avons dit plus haut, mais aussi par exemple en renoncement à quelques désirs (YS 1.15), ou par le contrôle de soi (yama), par le respect de disciplines sociales (niyama) (YS 2.28 à 2.46), ou par la joie (YS 2.41) ou encore par la persévérance (YS 2.47). Les yoga sūtra de Patañjali regorgent de quelques conseils ...
Pratiquez et observez.
Christophe
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