Chapitre 1 : SAMĀDHI PĀDA (Le chapitre de la contemplation)
Ici commence l’instruction du yoga qui, par la canalisation des activités du mental, vise à installer l’Esprit dans sa propre nature. C’est par la pratique et le détachement que peut s’engager cette démarche. Les obstacles qui ne manqueront pas de se présenter peuvent être atténués par l’invocation au Seigneur, source de toute connaissance, ou par des pratiques de concentration permettant la canalisation du mental et la réduction de ses fluctuations. Alors pourra commencer le processus de méditation sur des objets grossiers ou subtils jusqu’à la perception du non-manifesté, source de toute matière et conduire à la sérénité absolue.
Ici, commence l’enseignement (anuśāsana) du yoga.
Le yoga, c’est la suppression (nirodha) des activités de l’esprit (cittavṛtti).
Alors le témoin (draṣṭṛ) est établi dans sa nature propre (svarūpa).
Sinon, il y a identification (sārūpya).
Il y a cinq sortes d’activités (vṛtti) mentales, tourmentées (kliṣṭa) ou sereines (akliṣṭa).
Ce sont : la perception juste (pramāṇa), la perception erronée (viparyaya), la conceptualisation (vikalpa), le sommeil profond (nidrā) et la mémoire (smṛti).
La perception juste (pramāṇa) est obtenue par l’expérience directe (pratyakṣa), l’inférence (anumāna) ou la tradition (āgama).
L’erreur de jugement (viparyaya) est fondée sur la fausse connaissance (mithyājñāna) et sur l’apparente forme (atadrūpa).
L’imagination (vikalpa) est fondée sur une conscience (jñāna) de la perception dénuée de réalité concrète.
Le sommeil profond (nidrā), c’est la mise en sommeil (tamas) de toute activité mentale (vṛtti) par l’absence (abhāva) d’expérience de connaissance (pratyaya).
La mémoire (smṛti), c’est retenir les choses (viṣaya) perçues (anubhūta).
La réduction (nirodha) des activités du mental est obtenue par la pratique (abhyāsa) et le détachement (vairāgya).
Cela doit être maintenu (sthiti) par une pratique (abhyāsa) engagée (yatna).
Mais aussi une pratique fermement maintenue dans la durée (dīrghakāla), sans interruption (nairantarya), respectueuse (satkāra) et soignée (ādara).
Le renoncement (vairāgya), c’est se libérer de la fascination (vaśi) pour le perceptible (saṃjñā), se détacher des désirs (vitṛṣṇa) offerts à nos sens.
… Jusqu’à la perception (khyāti) de l’Esprit (puruṣa) et de la convoitise (tṛṣṇā) des qualités premières (guṇa) de la Nature.
Et conduit à la réflexion (vitarka), l’introspection (vicāra), la béatitude (ānanda), la conscience de soi (asmitā), et le complet discernement (saṃprajñāta).
Pour les uns, l’arrêt (virāma) de la cognition (pratyaya)du mental et la pratique spirituelle conduisent à état de conscience particulier, emprunt seulement de résidus de conditionnement (saṃskāra) antérieurs.
Dans cet état, l’expérience d’absence de conscience (videha) conduit à l’absorption (prakṛilaya).
Pour les autres, avant la connaissance de l’absorption (samādhi), se rappeler de maintenir la vigueur (vīrya) de la foi (śraddhā)…
…Et d’être installés (āsanna) dans une impulsion (saṃvega) volontaire.
En sachant, qu’il aura des différences (viśeṣa) entre ceux qui ont un souffle vital (vāta) doux (mrdu), moyen (madhya) ou intense (adhi).
…Ou alors, s’incliner (praṇidhāna) devant le seigneur (Īśvara ).
Le seigneur (Īśvara ), distinct de l’Esprit (puruṣa), pur (mṛṣṭa) et insurpassé (apara), non affecté par les souffrances (kleśa) inhérentes aux conséquences des actions (karman).
En cela, il est la source insurpassable (niratiśaya) de toute connaissance (sarvajῆabījam).
Étant entendu, qu’il est le maître, de tout temps (kālena) à jamais (anavaccheda).
Om est la syllabe sacrée (praṇava) qui parle de lui (tasya vācaka).
C’est par sa récitation à voix basse (japa) qu’il se manifeste (bhāvana).
Alors, il y a obtention (adhigam) d’une conscience (cetana) tournée vers l’intérieur (pratyac) et destruction (abhāva) des obstacles (antarāya).
Ces obstacles facteurs d’agitation mentales sont le tourment (vyādhi), l’inertie (styāna), le doute (saṃśaya), la négligence (pramāda), la paresse ininterrompue (ālasya), l’égarement (bhrānti), la perception erronée (darśana alabdha), la stagnation (bhumi) et l’instabilité (anavasthāna).
Douleur (duḥkha) et désespoir produisent tremblements (aṅgamejaya), respiration (śvāsa) haletante et agitation (vikṣubh).
La pratique (abhyāsa) d’un seul principe (artha) permet aussi d’éviter ces obstacles.
Des dispositions favorables (prasāda) du mental sont produites par la bienveillance (maitrī), la compassion (karuṇā), la joie (muditā) et la sérénité (upekṣā), source de bonheur (sukha), par opposition au malheur (duḥkha) et au vice (apuṇya).
Ou en expirant (pracchardana) ou en retenant (vidhā) le souffle (prāṇa).
Ou par une activité (pravṛtti) mentale (manas) stabilisée (sthiti) vers un objet (nibandhana).
Ou, loin (vi) de toute douleur (śoka) par l’illumination spirituelle (jyotiṣmat).
Ou avec un esprit libre (vīta) de passion (rāga) pour tout objet.
Ou en prenant comme support (ālambana) un rêve (svapna) connu issu du sommeil (nidrā).
Ou encore par la précieuse méditation (dhyāna).
Il y a alors maitrise de l’infiniment petit (paramāṇu) à l’infiniment grand (mahattvanta).
De la maitrise des activités (vṛtti) mentales, comme le cristal pur, il y a identification (samāpatti) de celui qui perçoit (grahītṛ), ce qui est perçu (grahaṇa), ce qui doit être reçu (grāhya) tel qu’il apparait.
À ce stade, il y a présence (samāpatti) de réflexion (vitarka) qui mélange (saṃkīrṇa) parole (śabdārtha), connaissance (jñana), imaginaire (vikalpa) du contenu mental.
Dans la méditation sans réflexion (nirvitarka), avec la mémoire (smṛti) purifiée (pariśuddhi), la nature propre (svarūpa) de l’objet est révélée.
Ce qui vient d’être mentionné l’est aussi pour l’objet subtil (sūkṣma), également avec (savicāra) et sans réflexion (savicāra).
…Objet subtil (sūkṣma), jusqu’à l’indifférencié (aliṅga).
Cela est l’état de méditation accompli (samādhi) avec support.
Avec la maitrise de la méditation sans réflexion (nirvicāra) apparait la splendeur (prasāda) de la conscience pure (adhyātma).
Et apparait la sagesse (prajña) porteuse de vérité (ṛta).
…et de discernement (viśeṣa) au-delà de l’enseignement (śruta), la connaissance (prajñā) ou l’inférence (anumāna).
De cela, naissent de nouveaux conditionnements (saṃskāra).
De cela, nait aussi la contemplation sans objet (nirbīja samādhiḥ).
D'où vient cette proposition de traduction ? Lire ici.