Chapitre 4 : KAIVALYA PĀDA (Le chapitre de la libération)
Le quatrième chapitre, le chapitre de la libération, explique comment peut être réalisé l’accomplissement. Il rappelle que la matière est un espace d’expérimentation du mental qui doit permettre la compréhension de la conscience de soi, l’identification des imprégnations mises en place dans le cycle interrompu des actions/résultats qui transcendent le temps. Seule la distinction, entre mental, comme support des conditionnements, et le témoin, permettra de supprimer les souffrances subies et d’atteindre l’état de libération.
La complète réalisation se produit par hérédité (janman), par des plantes (oṣadhī), par des incantations (mantra), par l’ascétisme (tapas) ou par l’intégration (samādhi).
Dans d’autres situations (antara) favorables (jātya), des transformations (pariṇāma) existent grâce à l’abondance (pūra) de la Nature (prakṛti).
Une cause (nimitta) d’erreur (aprayoga) serait de considérer la Nature (prakṛti) comme objet (kṣetra) inadapté (kava).
L’acquisition (nirmāṇa) de la connaissance (citta) se réalise par une pure expérience du Soi (asmitā).
Le mental (citta) devient alors instigateur (prayojaka) de la suppression (bheda) des activités (pravṛtti) du mental (citta).
De cela, nait alors la méditation (dhyāna) sans trace (anāśayam).
Les actions (karman) du pratiquant accompli (yogin) sont ni blanches (aśukla) ni noires (akṛṣṇa), pour les autres (itara) elles sont triples (trividhā).
Ces trois types d’action conduisent à des transformations (vipāka) justement par les imprégnations mentales (vāsanā) qui découlent des propriétés (guṇa) de la Nature.
Mémoire (smṛti) et conditionnement (saṃskāra) du fait de leur proximité (ānantarya) sont uniformes (ekarūpatva), même lorsque surviennent des changements de lieu ou de temps (kāla).
Ils existent (anāditva) précisément par le désir (āśis) d’éternité (nityatva).
La destruction (abhāva) d’un des constituants, fruit (phala), cause (hetu), support (āśraya) ou perception (ālambana) conduit à leur élimination (abhāva) (les imprégnations mentales).
Passé (atīta) et futur (anāgata) ont des natures propres (svarūpa) dans l’existence des propriétés (dharma) du monde (adhvan) dual (bheda) subtil et matériel.
Ces deux, manifesté (vyakta) et subtil (sūkṣma), ont des propriétés constitutives (guṇa) propres (ātmanā).
Leur transformation (pariṇāma) est un principe (vastu) de réalité (tattva).
Une même (sāmya) réalité (vastu) est perçue différemment par des esprits (citta) différents (vibhakta).
L’objet n’existe (vastu) pas par un seul (eka) esprit (citta) sinon que serait-il sans cet esprit (citta) ?
Cela avec une coloration (rāga) du mental (citta) dépendante de la réalité perçue ou non perçue (jñātājñāta).
Les activités (vṛtti) du mental (citta) sont perçues (jñāta) par le témoin (puruṣa), son maitre, en complète immuabilité (apariṇāmitvāt).
Pour cette raison, le mental, comme objet perçu (dṛśya), ne s’illumine pas par lui-même (svābhāsaṁ).
Et une telle confusion (samaya) des deux est une ignorance (an avadhāraṇa),
…comme la confusion (saṃkara) de l’interprétation (buddhi) du perçu (dṛśya) par l’esprit (citta) et l’interprétation addictive (atiprasaṅga) par la mémoire (smṛti).
La conscience (cit) est sans égal (aprati), pour s’approcher (saṃvedana) de la forme de l’objet perçu (ākāra) par sa propre intelligence (svabuddhi).
Le témoin (draṣṭṛ) a pour but de voir (dṛśya) au travers de la coloration (rakta) tout entière du mental (citta),
…dont la création a été occasionnée (kārita) de façon importante par d’innombrables (asaṅkhyeya) imprégnations (vāsanā), multiformes (citra) mais aussi compactes (saṃhati).
Pour celui (darśin) qui perçoit (viśeṣa) l’existence (bhava) du Soi (ātman), alors il y a cessation (nivṛtti) de l’imagination créative (bhāvanā).
Alors immergé (nimna) dans le discernement (viveka), le mental (citta) est aspiré (prāgbhāra) vers la libération (kaivalya),
…et les croyances (pratyaya) intérieures (antara) causées par les conditionnements mentaux (saṃskāra) se dissipent (chidra).
Alors, disparaissent (hāna) également les souffrances (kleśa).
À cela s’ajoute indéfiniment (akusīda), sans aucun doute (sarvathā), le fameux (khyā) discernement (viveka) qui conduit (dharma) à l’accomplissement (samādhi),
…et il y a disparition (nivṛtti) des souffrances (kleśa) liées aux actions antérieures (karman).
Les impuretés (mala) recouvrant (āvaraṇa) ayant entièrement disparu (apeta), la connaissance (jñāna) est infinie (ānantya), ce qui reste à découvrir (jñeya) est insignifiant (alpam).
Il y a réalisation (pariṇāma) de l’objectif poursuivi (krama), la dissolution (samāpti) des propriétés de la nature (guṇa).
Ce moment (kṣaṇa) est relatif (pratiyogin) à la fin (aparānta) d’une transformation (pariṇāma) au-delà de toute démarche (krama).
Le fondement (pratiṣṭhā) essentiel (svarūpa) de la libération (kaivalya) est un retour à l’état originel (pratiprasava), obtenu par la disparition (śūnya) des propriétés de la nature (guṇa) et la connaissance de l’Être (puruṣa), ou encore par le pouvoir (śakti) de la compréhension (cit). Qu’il en soit ainsi (iti).
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